Virginie Geraud


DNSEP Art, 2020 - 2021


« Mon travail part d’un certain goût pour la vie des objets. Ce sentiment est lié à l’observation de l’usage de ces objets et aux sensations qu’ils procurent. Je me questionne sur leur mode d’apparition. Ayant un rapport très visuel à mon environnement, je les appréhende par la contemplation tout en ayant une impression de distance comme si les objets étaient quasiment inatteignables. Pour réduire cette distance, je les représente en me confrontant à la matière, je « prends les choses en main », je suis avec cette forme-là. Cela passe souvent par la sculpture sur bois. C’est l’exploration d’une série de gestes : couper, arracher, retirer, porter, tronçonner, creuser, taillader, puis finalement caresser, effleurer, huiler. Il y a mon corps et celui du bois. C’est un moment où on regarde vraiment ce qui est sous nos yeux. La main donne forme. Il y a une idée de translation de la matière vers l’objet. Mon usage de la représentation est une tentative de faire coller la matière à la forme. Ce sont des sculptures images d’objets. Dans mes installations, je cherche à ce que le spectateur s’octroie une pause. Qu’il regarde des choses qui ont mis du temps à être faites. Cela passe par une certaine technicité empruntée à l’artisanat. Ces savoir-faire traditionnels supposent précision et attention et s’inscrivent, par leur histoire, dans la durée. J’aime le fait que ces savoir-faire soient partagés et partageables : mise en commun d’un certain langage, apprentissage, appartenance, transmission, et, en même temps, qu’ils existent avec une certaine fragilité, mis en péril par la rapidité de notre époque. Le bois que j’utilise est issu de la récupération. Ce sont des chutes ou des morceaux sélectionnés avec attention qui ont passé du temps dans un atelier, un garage, un abri. J’aime le fait qu’ils aient été choisis, puis laissés là pour un futur projet, comme si la matière attendait. Dans mes installations se nouent des dialogues entre les objets depuis l’hétérogénéité de leurs natures, poids, immobilités, densités, intériorités, espaces. Elles viennent inscrire et requestionner mes sculptures dans un espace domestique, délimité, qui fait appel à des souvenirs et à des images collectives. »